Les valeurs fondamentales africaines: une alternative aux dérives sociales

       L'education traditionnelle en Afrique renferme plusieurs valeurs très séduisantes qu’il importe non seulement d’identifier, mais aussi de sauvegarder et de préserver de la destruction, de la fragilité et du caractère mouvant des sociétés contemporaines. Nous vivons aujourd’hui dans un monde où les valeurs se dégradent et se désagrègent continuellement, ce qui entraîne comme conséquence la dépravation des mœurs, la crise de l’autorité, la perte de l’unité familiale, le développement des tendances égoïstes et de l’esprit calculateur. Il n’existe plus un code moral pour nos jeunes ; nos valeurs se transforment en anti-valeurs, d’où le développement de l’immoralité, la méconnaissance de la valeur de l’homme au profit de l’argent, la primauté de la promotion de l’individu sur celle de la collectivité, etc.

      La crise morale des jeunes, aujourd’hui, serait donc essentiellement liée à la crise des valeurs que connaissent nos sociétés. Cette crise qui s’accompagne de la perte des valeurs morales et des troubles de caractère aurait pour origine l’anthropie culturelle, le degré de la crise socio-économique, l’importance des mass-médias, etc. Les solutions à cette crise de la valeur devront être essentiellement d’ordre politique, économique, moral et éducationnel. 

    Les instances politiques devront être fidèles à leur tâche de réorganisation des structures socio-économiques appropriées de manière à placer les individus dans les conditions d’existence décentes. Les responsables politiques devront se rendre compte que c’est leur idéologie (l’idéologie des classes dominantes) qui influe sur les masses populaires et oriente les conduites sociales. La réglementation sociale relève sans équivoque de la responsabilité politique qui devra se porter garant des valeurs confirmées. 

     Du point de vue socio-économique, et surtout en ce qui concerne les pays sous-développés, il est indispensable de placer les enfants (et leurs parents aussi) dans les conditions d’existence indispensables à leur développement harmonieux avant de les éduquer aux valeurs. Il leur faut une bonne santé mentale et physique, des conditions matérielles adéquates, une nourriture équilibrée, etc. 
Mais c’est surtout aux éducateurs (la société, la famille, l’école) qu’incombe la tâche la plus difficile d’éduquer aux valeurs et de travailler à la formation et à la consolidation des valeurs en ces moments de crise que traversent nos sociétés de l’Afrique Noire sollicitées contradictoirement par les valeurs de la modernité et celles de la tradition. 

      L’éducation aux valeurs doit porter non seulement sur de nouveaux contenus de connaissances ou d’enseignement, mais aussi et surtout sur des comportements et des attitudes souhaitables relevant d’une prise de conscience nette des valeurs confirmées. Parents, enseignants, adultes, etc. devront prendre conscience que les enfants les imitent et s’inspirent de leurs attitudes pour fonder leur manière d’être, de sentir et d’agir. 

        En conséquence, ils doivent enseigner non seulement par la parole, mais aussi par l’exemple. Car c’est l’exemple qui, en tant qu’élément dynamique et moteur du système éducatif, lie l’idéal théorique à la réalité concrète. L’action des adultes, leurs bons exemples et leur conviction morale devront constituer la base d’un apprentissage des comportements sociaux pour notre jeunesse. 
L’éducation aux valeurs devrait aussi se faire à travers des mouvements parascolaires (Jeunesse du Parti, scoutisme, etc.) de manière à assurer un encadrement moral et civique des jeunes. 
Il faudra aussi instaurer un système efficient de collaboration harmonieuse entre la famille, l’école et la société de façon à harmoniser les actions éducatives pour en faire un système cohérent et ordonné. 

          La cohérence interne du système éducatif devra reposer sur l’uniformité des principes éducatifs qui régissent la société pour que tous les enfants soient soumis à un même type d’éducation poursuivant un même idéal, les mêmes objectifs. Aujourd’hui, le système éducatif n’a plus cette cohérence : ce qui est condamnable pour l’école est parfois applaudi par la famille ou par la société et vice versa. En dehors de l’école par exemple, personne n’intervient dans l’éducation d’un enfant qui se méconduit en l’absence de ses parents. Ceci révèle l’absence d’une vision nette et claire du type d’homme que la société veut former et fait que les enfants n’ont pas une perception claire du rôle qu’ils sont appelés à jouer dans la société.

        En définitive, bien qu’élaborées en des temps anciens, les valeurs de l’éducation traditionnelle au sens défini plus haut portent en elles des éléments susceptibles non seulement d’affronter les surgissements nouveaux de l’histoire, mais aussi de raviser les valeurs les plus sacrées d’un monde humaniste et par là même sauver cet univers qui s’en va à la dérive politiquement, économiquement, moralement, socialement et matériellement. 

        L’éducation aux valeurs devra conduire à la prise en compte de l’identité culturelle du fait que la culture est intimement liée à toutes les manifestations de la vie. Elle incarne l’expression des valeurs humaines les plus nobles, le sens de la vie. L’évolution scientifique et technologique de l’Afrique n’entraîne aucune contradiction avec l’affirmation de l’identité culturelle. Mais l’éducation aux valeurs traditionnelles reste encore en marge des valeurs véhiculées dans les programmes scolaires, les journaux et revues, illustrant par là la supériorité technologique des valeurs occidentales. L’effort pour la mise en valeur de nos coutumes et traditions et pour leur adaptation au contexte d’un monde en évolution devenant indispensable, il y a lieu de prendre conscience et de revaloriser les valeurs essentielles de nos sociétés.


Auteur : Dr. A. S. MUNGALA

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